Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/57

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de libretti ; d’autres m’ont assuré qu’elle était d’un galérien de Castellamare. Les paroles sont en dialecte napolitain, moitié comiques, moitié sentimentales. Le refrain dit : « T’e voglio ben’assaïe, e tu non pienzi a me ! — Je t’aime passionnément et tu ne penses pas à moi ! » L’air, quoique simple suit, dans ses petites proportions, la marche d’une cavatine. En un instant tout le monde l’apprit. C’est encore à présent une véritable fureur ; on n’entend plus que cela. Le matin, la servante le chante en travaillant et toujours avec une belle voix de contralto. Les rameurs qui vous mènent à Capri l’ont arrangée à trois parties et vous en régalent pendant la traversée. Les pêcheurs et les marchands d’huîtres, les bonnes d’enfants sous les arbres de la Villa-Reale, le répètent en même temps. Le piano du premier étage et la guitare du quatrième en font retentir la maison. Tous les sons, proches ou lointains, vous apportent le refrain aux oreilles. Le soir, si vous ouvrez votre fenêtre, la sentinelle du château de l’œuf berce les ennuis de la faction avec l’air à la mode. Alors, vous commencez à votre tour à le chanter, d’abord tout bas et puis à tue-tête, comme les autres. Vous le fredonnez en allant en voiture ; le cocher l’entonne sur son siège et le guaglione, grimpé par-derrière, accompagne à la tierce. La manie vous gagne. A la première paire de beaux yeux que vous rencontrez, vous murmurez : T’e voglio ben’assaïe. Vous vous figurez vouloir beaucoup de bien à une personne qui ne songe pas à vous ; l’attendrissement s’en mêle, vous vous écriez : e tu non pienzi a me ! et les larmes vous viennent aux yeux.

Il y a un grand nombre de ces chansons populaires dont les auteurs sont inconnus. Elles poussent comme