Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/62

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vous douter du succès ? Il faudrait n’avoir pas d’argent dans sa poche et, à la vérité, on n’a pas toujours deux carlins pour faire sa fortune, autrement on serait riche samedi prochain.

Au moyen du livre de la Smorfia, tout peut se convertir en mise à la loterie. C’est un vocabulaire des substantifs avec un numéro en regard de chaque mot. Que la chose dont vous êtes frappé vous vienne par rencontre fortuite, ou en rêve, ou par la conversation, vous pouvez jouer à coup sûr le chiffre qui lui correspond dans le livre. Les plus heureux et les plus recherchés de ces numéros sont ceux des accidents, meurtres et sinistres. S’il y a un incendie quelque part, la loterie est assiégée ; tout le monde veut jouer le même jeu. On est obligé de limiter les mises et, quand ce numéro si demandé a fait, comme on dit, sa dot on ne délivre plus de billets. Tant pis pour celui qui arrive trop tard. Dans ces moments de crise, l’administration n’est pas sans inquiétude. Un caprice du hasard lui enlèverait une somme énorme. Même dans les Etats romains, les bureaux de loterie sont ouverts le dimanche, quand toutes les boutiques sont fermées. Le dormeur qui se lève à midi ne trouve plus un café où il puisse manger ; mais il a le droit de mettre le prix de son déjeuner sur un terne. Ce n’est pas seulement la Smorfia qui vous excite à jouer ; des mises vous sont fournies par une foule de gens. Si vous achetez une boîte d’allumettes, vous y trouverez des vers italiens qui vous recommandent la loterie : strada sicura ad arrichire è il lotto. C’est le chemin sûr de la richesse. Suivent trois numéros garantis excellents par le marchand.