Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/63

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Moitié par badinage et moitié sérieusement, les gens du monde cultivent aussi la loterie. On a chez soi le livre magique et on ne fait pas un rêve sans le consulter. J’ai vu une dame élégante et spirituelle s’amuser à feuilleter la Smorfia, se monter peu à peu la tête et envoyer un domestique au bureau de loterie avec une piastre et trois numéros inscrits sur un papier. Dans les jours néfastes marqués par un accident ou un crime, on commence par déplorer le malheur et puis on s’en console, en essayant si la vera sorte ne serait pas cachée dessous.

Le samedi, à cinq heures du soir, le tirage de la loterie se fait avec une solennité imposante. La magistrature et le clergé y sont représentés par des personnages respectables. Un prêtre bénit l’urne où sont les numéros et un enfant procède au tirage. C’est un moment d’émotion, non seulement dans l’assemblée, mais par toute la ville. La foule est haletante. Ceux qui se croyaient assurés de gagner poussent des cris lamentables. Les cris de joie sont infiniment plus rares. Des facchini attendent l’apparition du dernier numéro pour porter la nouvelle dans les rues. Ils courent de toutes leurs forces, remettent la liste à n autre facchino posté à un certain relais et qui part à son tour aussi vite qu’il peut aller. En un instant, le tirage est connu dans tous les quartiers de Naples. Afin de mesurer la promptitude de ces télégraphes vivants, un de mes amis prit une voiture au sortir de la séance et se fit mener au galop jusqu’à la place du Vieux-Marché ; il y trouva les numéros affichés devant un bureau de loterie.

Il y a deux sortes de gens qui se trompent également dans leurs jugements sur l’Italie : ceux qui