Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/84

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un événement de la semaine, un chapitre de la chronique du jour, un article de journal se retrouvent changés en comédies ; et jamais Altavilla ne manque à ce devoir de nouvelliste en action. L’à-propos est sa plus grande ressource. Le théâtre de la Fenice fait de même et la concurrence ne permet pas de négliger une occasion. Six fois au moins, pendant mes trois mois de séjour à Naples, j’ai vu ces petits théâtres amuser leur public avec des sujets de circonstance.

Une jeune Française, établie à l’entrée de Tolède, vendait des gâteaux et des petits pains ; en sa qualité d’étrangère on la trouvait fort belle, avec cette complaisance que nous mettons à admirer une Napolitaine et sa boulangerie était fort achalandée. Aussitôt l’affiche de San-Carlino annonça pour le samedi une pièce intitulée La Boulangère Française.

Il y avait, à l’hôtel de la Victoire, une dame russe qui ne se montrait pas, ne sortait que la nuit et en voiture. Ce mystère fit causer les gens de la maison. Le bruit courut aussitôt que cette dame avait une tête de mort et qu’elle voulait donner une immense fortune à qui l’épouserait, malgré cette grave imperfection. Les bonnes gens de pêcheurs et de lazzaroni, aussi crédules que don Pangrazio, s’assemblaient déjà devant l’hôtel, attendant que la dame parût afin de voir, en se tâtant bien, s’ils n’auraient pas le courage de surmonter un premier moment de répugnance. On lut aussitôt sur l’affiche de la Fenice : La Donna Colla Maschera di Morte. La pièce était bouffonne et bien faite.

Des antiquaires se querellaient sur l’origine et la destination d’objets découverts dans les feuilles de