Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/83

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— Que vais-je dire ? s’écrie-t-il ; que faire ? mon entrée est manquée. Ma scène d’amour ne peut plus aller.

— Ne t’effraie pas, mon garçon, répond l’auteur. Tu feras tel changement à ton rôle. Au lieu de cette tirade, tu diras ce que je vais t’indiquer.

Et il trace à la hâte un passage nouveau, différent du premier. Pendant ce temps-là, Polichinelle ne voyant pas entrer l’acteur, devine qu’on change et qu’on prépare. Il remplit l’intervalle par des lazzi. La leçon est finie, le carrosse enrayé se dégage et roule de plus belle. Le public ne s’aperçoit de rien ; le dénouement s’exécute à souhait et la soirée se termine par des rires et des applaudissements.

Le samedi suivant c’est à recommencer. Bien rarement une de ces bluettes dure quinze jours. Pas une n’existe ni imprimée, ni en manuscrit. Altavilla lui-même, s’il avait un moment de répit, ne pourrait sans doute jamais retrouver dans sa mémoire tout ce qu’il a dépensé d’esprit argent comptant et de frais d’imagination. Dieu sait pourtant combien de ces idées jetées au vent mériteraient de vivre longtemps et d’être travaillées avec plus de soin ! Que d’étincelles seraient devenues de bonnes lumières et que de cailloux renfermaient des pierres précieuses ! Pauvre Altavilla ! Il est pénible de voir le talent périr ainsi, dévoré par une nécessité impérieuse.

Puisque Molière prenait son bien où il le trouvait, vous pouvez croire que le poète de San-Carlino ne se gêne pas pour emprunter à ses voisins. Drames étrangers, vaudevilles, tragédies, tout est bon à faire un plan et à convertir en farces. Vous connaissez le véritable génie d’improvisation de l’auteur lorsqu’