Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/86

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des acteurs. Lorsqu’Altavilla veut amener un quiproquo, il n’est jamais embarrassé : l’étourderie de Polichinelle ou la bêtise de Pancrace lui fournissent à l’instant la méprise désirée. Avec sa volubilité comique, Polichinelle, interrogé par son maître, répond avant d’avoir entendu la question. Il dira oui trois fois de suite et, à la dernière, ce sera non qu’il aura voulu dire. Don Pangrazio a la langue épaisse ; on est habitué à lui voir prendre un mot pour un autre. Il lui arrivera de dire à sa fille qu’il veut lui donner un carrosse quand il pense lui promettre une caresse et voilà un imbroglio qui s’emmanche sur le champ.

Ces personnages, dont les caractères son connus du public, ont l’avantage de seconder merveilleusement les intentions satiriques de l’auteur. Par cela seul qu’une classe de la société, un vice, une passion, sont représentés sous le masque du Polichinelle ou la perruque du Pancrace, le ridicule les atteint déjà. Il n’y a plus qu’à parler pour amuser à leurs dépens. Altavilla excelle surtout dans les reproductions de type populaire. Il sait le langage des pêcheurs, des lazzaroni, des femmes du vieux Naples et des gens de la campagne. Leurs faiblesses, leurs superstitions, leurs fureurs lui fournissent ses meilleures scènes et le parterre peut en tirer quelque fruit. J’ai entendu, un soir, des femmes du peuple qui, en se voyant jouées au naturel, un peu étonnées de la fidèle ressemblance, se disaient à l’oreille : voilà bien comme nous sommes ! C’était à la première représentation d’une pièce appelée Les Trois Limon (don Limon est le nom qu’on donne aux incroyables de bas étage). La scène se passe dans