Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/87

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une locanda de Portici. La servante et la blanchisseuse sont toutes deux amoureuses du garçon de ce cabaret ; toutes deux se croient aimées ; elles se disputent le cœur du cameriere avec l’ardeur et la vivacité napolitaines. Les propos s’enveniment, on se dit des injures et on se menace de coups de couteau. Les deux mégères, nez contre nez, les mains sur leurs genoux, crient de toutes leurs forces : je te tuerai si tu me pousses à bout. — Tu seras cause que je feria un malheur ! Sur ces entrefaites arrivent les trois don Limon qui demandent à déjeuner, mangent et boivent, chacun d’eux comptant sur ses camarades pour payer la carte. Au moment de fouiller à la poche, il se trouve que personne n’a d’argent. Le cabaretier n’entend as raillerie et appelle le commissaire. Alors interviennent la servante et la blanchisseuse qui demandent grâce au patron pour ce pauvres jeunes gens.

— Vous retiendrez le prix de leur déjeuner sur mes gages !

— Je vous blanchirai votre linge pour rien !

Les deux tigresses, que la jalousie et la rage rendaient si affreuses tout à l’heure, sont au fond de bonnes personnes quand la passion ne les tourmente plus et Altavilla leur devait cette justice. La leçon était d’autant meilleure que le contraste frappait davantage entre la fureur et le mouvement de générosité. La pièce des Tre don Limone n’aura pas été inutile.

Souvent les petits théâtres empruntent des idées à leurs supérieurs et il peut arriver qu’un sujet, froid et sans intérêt, devienne amusant quand il change de scène. La troupe des Fiorcatini avait représenté