Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/94

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étant absolument interdits sur les théâtres de Naples, le Polichinelle se changea en Pascariello. C’est encore un valet fourbe, étourdi, poltron et gourmand, mais moins fantastique que l’autre. Il porte une livrée et ressemble à une espèce de Jocrisse rusé. Ses plaisanteries perdent un peu de leur force par l’absence du demi-masque. Les autres rôles restent les mêmes en toute saison.

L’habitude ancienne et naïve des discours au public s’est conservée à San-Carlino et à la Fenice. Au dernier entracte, l’orateur de la troupe se présente, entre la rampe et la toile, et annonce le spectacle du lendemain ou les représentations à bénéfice. Autrefois, en France, l’acteur le plus aimé du public se chargeait de ces discours ; à Naples, don Pancrace, qui est homme d’esprit et comique jusqu’au bout des ongles, invente chaque soir, de moitié avec Altavilla, une phrase amusante qu’on attend avec confiance. Le jour de la clôture du théâtre avant la semaine-sainte, j’étais à San Carlino dans la loge d’une dame napolitaine. Don Pangrazio fit son allocution en ces termes :

— Messieurs, j’ai beaucoup d’enfants qui ont toutes leurs dents et qui avalent un rotolo de macaroni comme si c’était une figue. Ils ont cassé tant de verres à la maison que je suis forcé de les laisser boire dans le creux de leurs mains. La semaine prochaine, il faudra encore que je les régale avec des œufs de Pâques. Mes camarades et le signor impresario veulent bien me secourir en donnant une représentation à mon bénéfice le jour de l’ouverture. Nous jouerons la pièce nouvelle des Guape et je me recommande à votre générosité.