Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/93

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les acteurs napolitains, il faudrait pouvoir, entre deux représentations de San Carlino, revenir aux petits théâtres de Paris. Une troupe de comédiens français qui a joué à Naples m’a permis d’apprécier la différence des deux genres. Au théâtre français, le public méridional était plus animé que la scène. L’esprit elliptique de nos plaisanteries passait inaperçu devant ce parterre habitué à un comique largement taillé. Quand la musique de vaudeville arriva, coupant le dialogue à chaque instant, et qu’on entendît des voix grêles et fausses parler de simulacres de chansons, l’effet fut si déplorable que je me serais volontiers caché sous la banquette. Je ne sais quel préjugé soutient l’usage fastidieux de ces couplets pour lesquels l’art dramatique a une antipathie profonde. C’est un problème que les Napolitains ne comprennent pas et je n’ai pu le leur expliquer. Si je leur avais dit qu’on emploie ce moyen pour échauffer la scène ils se seraient moqués de moi. C’eût été leur avouer le refroidissement de notre comédie. La troupe française n’eut pas grand succès, à Naples, tant qu’elle joua des ouvrages de bon goût dont on ne sent pas le mérite si on ne connaît pas très bien la langue. On n’amuse point des Napolitains avec de la gaieté microscopique ni de l’esprit alambiqué. Il leur faut une pâture plus solide. Lorsque la troupe exécuta de bons gros mélodrames bien bêtes, elle répara son échec et obtint d’éclatants succès. D’ailleurs les actrices étaient jolies et coquettes ; elles possédaient cette science de l’ajustement et de la grâce étudiée qui est un mystère pour les Italiens et la jeunesse napolitaine se montra galante comme elle le devait.

Pendant les quarante jours de carême, les masques