Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/97

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basse-cour et, comme les chants furent en nombre pair désagréable aux dieux, il fut résolu que le travail du pont serait abandonné. En achevant son histoire, le vieux rameur se tourna vers le plus jeune de ses camarades et lui dit :

— Ce signor Claude avait une femme méchante et débauchée qu’il tua d’un coup de couteau. Songe à cela, Matteo, avant de te marier. Si tu prends une femme comme celle du signor Claude et que tu t’en débarrasses de même, on te mettra aux galères parce que tu n’es pas un grand seigneur.

— C’est justement, répondit le jeune homme, parce que je ne suis pas un grand seigneur que ma femme ne sera pas méchante. Elle aura trop de besogne pour songer à mal et, d’ailleurs, elle sera chrétienne et élevée par des religieuses, tandis que celle du signor Claude n’était pas baptisée.

— Quand vous mariez-vous ? demandai-je à maître Matteo

— Demain.

— Votre fiancée est-elle jolie ?

— Elle le sera, j’espère : je ne la connais pas encore puisque je vais à l’Annonciade pour lui jeter le mouchoir.

— Vous vous moquez de moi, Matteo ?

— Dieu m’en garde ! Je vois que votre excellence ne sait pas comment on marie les enfants trouvés, à Naples. Si elle veut aller, demain, à l’hospice des Trovatelli, elle y verra toutes les filles bonnes à marier rangées sur une ligne dans la cour. Les pauvres diables comme moi, qui ne savent où trouver une femme, viendront regarder ces jeunes-filles et faire leur choix. Nous passerons ensuite à l’église, tous