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saint Bernard, lequel, voyant le danger, entra en une église prochaine, afin de prier Dieu pour lui ; et Geoffroy cependant, accablé de la tristesse, reposant sa tête sur une pierre, s’endormit. Mais après un peu de temps, tous deux se levèrent : l’un, de l’oraison avec la grâce impétrée, et l’autre, du sommeil avec un visage si riant et serein que son cher ami, s’émerveillant d’un si grand et soudain changement, ne se put contenir de lui reprocher amiablement, ce que peu auparavant il lui avait répondu ; alors Geoffroy lui répliqua : « Si auparavant je te dis que jamais je ne serais joyeux, maintenant je t’assure que je ne serai jamais triste ».

Tel fut le succès[1] de la tentation de ce dévot personnage ; mais remarquez en ce récit, chère Philothée : 1. Que Dieu donne ordinairement quelque avant-goût des délices célestes à ceux qui entrent à son service, pour les retirer des voluptés terrestres et les encourager à la poursuite du divin amour, comme une mère, qui pour amorcer et attirer son petit enfant à la mamelle, met du miel sur le bout de son tétin. 2. Que c’est néanmoins aussi ce bon Dieu qui quelquefois, selon sa sage disposition, nous ôte le lait et le miel des consolations, afin que, nous sevrant ainsi, nous apprenions à manger le pain sec et plus solide d’une dévotion vigoureuse, exercée à l’épreuve des dégoûts et tentations. 3. Que quelquefois des bien grands orages s’élèvent parmi les sécheresses et stérilités ; et lors il faut constamment combattre les tentations, car elles ne sont pas de Dieu ;

  1. L’issue.