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Les Délices

Quiconque voudra lire, avec autant de déſintéreſſement que d’atention, l’hiſtoire de toutes ces révolutions, & prendre la balance en main pour peſer le pour & le contre, ne poura diſconvenir, que le portrait, que l’Histoire fait des Liégeois, n’eſt point reſſemblant.

Henri de Gueldres, ſous le regne duquel ſe formérent les premiers troubles, ou pour parler plus juſte, forma le premier pas vers la liberté, deshonora l’Épiſcopat, & le rang de Prince temporel annexé à ſon Siége, par une infinité d’actions infames, indignes, non ſeulement d’un Prince, mais du dernier des Sujets ; il ſe vit après un Regne de vingt-quatre ans forcé, pour éviter les peines atachées à une dépoſition juridique, à ſe dépoſer lui-même dans le Concile général tenu à Lion l’an mil deux cent ſoixante-quatorze par le Pape Grégoire X., qui avoit été tiré du Chapitre de Liége, pour être placé ſur la Chaire de S. Pierre.

Cette légére ébauche de l’afreux Tableau de ſa vie ſcandaleuſe, tracé par le souverain Pontife, dont je viens de parler,[1] ſufit pour perſuader que Henri de Gueldres, ou ſes Oficiers, fournirent à ſes Sujets plus d’un motif capable de les déterminer à ſecoüer le joug de la tiranie ; qu’ils n’en formérent la réſolution, & ne l’exécutérent, qu’après avoir inutilement tenté toutes les autres voies, que des Sujets fidéles & ſoumis, doivent prendre à l’égard d’un Prince, qui leur a été donné de la main de Dieu.

La réforme, que Ferdinand de Baviére affectoit de vouloir mettre dans l’élection des Magistrats, ne fut point ce qui indiſpoſa le plus le Peuple contre ce Prince. La grande dépenſe, à laquelle ſa haute Naissance l’aſſujétiſſoit, l’obligation, que lui impoſoit ſa Dignité d’Électeur de Cologne de ſe trouver aux Diétes de l’Empire, qui étoient alors très-fréquentes, & d’y paroître avec ſplendeur, le mettoient dans la néceſſité de demander três-ſouvent à ſes Sujets du Païs de Liége, des Dons gratuits fort considérables, & qui étoient au-delà des forces de l’État.

Non content de ceux qui lui étoient acordés, il faiſoit

  1. Dans une lettre raportée par Chapeauville, en la vie de cet Évêque.