Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/117

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Luy fait voir le danger ; et conclud à la fin,
Qu’il faloit que ma fille achevast son destin.
O trop bon citoyen, mais amant peu fidele !
(Luy respond l’estranger plein d’ardeur et de zele)
Je t’offrois un honneur trop esclatant pour toy,
Foible et trop sage amant, sans courage et sans foy.
A ces mots il le quitte ; et dans ce mal extrême,
Ne cherchant ny secours, ny conseil qu’en soy-mesme,
Il rumine ; il medite ; et dans sa passion,
Il imagine enfin une grande action.
Il avoit un amy, qui de Lusitanie,
Estoit venu chez nous, fuyant la tyrannie :
Cét amant s’abandonne à sa fidelité ;
Et va le conjurer par l’hospitalité ;
Par les beaux sentimens d’un cœur plein de franchise ;
De le vouloir servir dans sa haute entreprise.
Cét amy genereux luy promet son appuy ;
Luy demande aussi-tost ce qu’il pretend de luy ?
Et jure par le ciel de faire toute chose,
Pour avancer l’effet de ce qu’il se propose.
Alors d’un air moins triste, et tout plein de chaleur,
Cét amant esperant de vaincre son malheur ;
Vous voyez, luy dit-il, que la suite de l’âge,
N’a point encor changé les traits de mon visage :
Si bien qu’en me donnant un feint habillement,
Je puis passer pour fille assez facilement.
C’est tout ce que je veux d’un amy que j’honnore :
Ce n’est que pour cela que mon ame l’implore :