Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/118

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Enfin il me peut rendre en cette occasion,
Un tesmoignage aysé de son affection.
Il sçait, sans doute, il sçait, que j’ayme assez la gloire,
Pour ne m’en pas servir dans une action noire :
Et sa propre vertu ne le portant qu’au bien,
Qu’il juge, s’il luy plaist, de mon cœur par le sien.
L’autre sans s’informer à quoy tend cét office,
Ne luy refuse pas un si leger service :
Et luy qui donneroit, et sa vie, et ses biens,
Luy trouve des habits ; luy fait quitter les siens ;
Et redoublant par la sa grace sans seconde,
Il le met en estat de tromper tout le monde :
Tant ces nouveaux habits, et sa propre beauté,
Firent changer son air par cette nouveauté.
O merveilleux effet, d’une amitié fidelle !
Comme il ayme ma fille, il veut mourir pour elle :
Et son impatience attend le nouveau jour,
Comme un jour de triomphe aquis à son amour.
A peine le soleil, qui tout le monde esclaire,
De ses premiers rayons dora nostre emisphere,
Que tout le peuple court vers ces funestes lieux,
Où l’on doit appaiser la colere des cieux.
Dans le temple aussi-tost, ma fille est amenée :
De branches de cypres on la voit couronnée ;
Et ses cheveux espars, tous couvers de rubans,
A grosses boucles d’or, volent au gré des vents.
La frayeur sur son front, ne parut jamais peinte :
Et faisant voir un cœur incapable de crainte,