Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/119

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Elle marcha d’un pas, qui superbement fier,
L’aprochant de la mort, sembloit la défier.
Le sacrificateur attendry par ses charmes,
Loin de verser du sang, versoit plutost des larmes :
Et l’on eust dit à voir l’un et l’autre en ce lieu,
Qu’il estoit la victime, et qu’elle estoit le dieu.
Pour moy je la suivois avec plus de foiblesse :
Et son prudent amant, caché parmy la presse,
Sans songer à se perdre, et sans la secourir,
Lasche autant que cruel, alloit la voir mourir.
Mais admirez, seigneur, une amour sans exemple :
L’autre la devançant l’attendit dans le temple :
Et comme elle arrivoit, il s’avance à l’instant,
Le visage enflâmé ; le cœur tout palpitant ;
Et cherchant par sa mort une gloire immortelle,
Je viens, dit-il alors, je viens mourir pour elle :
C’est le plus grand honneur que je sçaurois trouver,
Aussi je me veux perdre, afin de la sauver.
A ces mots surprenans, dans toute l’assistance,
Il se fait un fort long, et fort profond silence :
Et puis par de grands cris, jusques au ciel poussez,
On semble demander si ce n’est point assez ?
Tout le monde le voit ; tout le monde l’admire ;
Chacun en veut parler, mais on voit trop à dire :
Et la belle inconnuë, au cœur si genereux,
En blesse bien plus d’un par un traict amoureux.
On se presse ; on s’aproche ; on la pleint ; on s’estonne ;
L’un admire son ame ; et l’autre sa personne ;
Et tous