Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/134

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Ce superbe orgueilleux enflé de tant de gloire,
A qui rien n’a jamais disputé la victoire ;
Qui s’est moqué du sceptre, et qui plus d’une fois
A mesprisé le thrône, et regné sur les rois ;
Ne sçauroit concevoir qu’Alaric luy resiste ;
Il est encore ensemble, et glorieux et triste ;
Et ce noble tyran que Rigilde a trompé,
Deffend jusques au bout un empire usurpé.
Mais comme il le deffend ce grand sorcier arrive ;
La belle en le voyant est plus morte que vive ;
Car on voit dans ses yeux la fureur esclatter,
Et nul espoir enfin ne la sçauroit flatter.
Madame, luy dit-il, tout l’enfer rend les armes :
Pour charmer Alaric, il faut vos propres charmes :
Et s’ils sont impuissans comme les miens le sont,
Souffrez avec l’enfer un si sensible affront.
Comme lors qu’en esté le carreau du tonnerre,
A longs serpents de feu tombe dessus la terre,
On voit le voyageur demeurer interdit,
Au milieu du fracas, du coup qui l’estourdit :
Telle, et plus estonnée, Amalasonthe est veuë :
Sa douleur la surprend, bien qu’elle l’eust preveuë :
Et par un si grand coup son grand cœur estonné,
S’abandonne aux regrets estant abandonné.
Quoy, dit-elle, le sort m’est donc tousjours contraire !
Alaric veut partir ; rien ne l’en peut distraire ;
Et l’enfer impuissant cede à ce mauvais sort,
Et le ciel qui peut tout a resolu ma mort !