Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/164

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Ce beau corps sans vigueur, s’affaisse et se relasche :
On voit qu’il s’abandonne à l’anneau qui l’attache :
Mais pourtant la pudeur par de nobles efforts,
Cache autant qu’elle peut, les attraits de ce corps.
Le guerrier animé par l’objet de sa flâme,
Fait briller dans ses yeux le feu qu’il a dans l’ame :
La colere et l’amour s’y font voir à la fois,
Et le prince des Goths croit entendre sa voix.
Le monstre d’autre part, que la rage possede,
Souffle le sang et l’eau, jusqu’aux pieds d’Andromede ;
Fait boüillonner la mer aussi bien que son sang ;
Et colore les flots, et de rouge et de blanc.
Au loingtain du tableau, Cassiope et Cephée,
La voix, à ce qu’on croit, par la crainte estouffée,
Levent les bras en haut, et demandent aux dieux,
Du fils de Jupiter le laurier glorieux.
Ils demandent qu’il vainque ; et la reyne affligée,
Triste, pasle, deffaite, en robe negligée,
Fait voir par une grande et juste nouveauté,
Qu’elle n’a plus l’orgueil qu’elle eut pour sa beauté.
L’on voit sur son visage à travers sa constance,
Et de l’affliction, et de la repentance :
Les sentimens de l’ame y sont tous exprimez,
Et les yeux d’Alaric en demeurent charmez.
O trop heureux amant, dit le prince Vandale,
Je ne voudrois avoir ta valeur sans esgale ;
Je ne voudrois avoir ton titre de vainqueur ;
Qu’afin de mieux servir la reyne de mon cœur.