Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/179

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Tout un peuple travaille à ce palais si beau,
Et puis sans y loger il entre en un tombeau.
L’autre pour s’enrichir s’expose à mille orages ;
Ne se rend point prudent par cent et cent naufrages ;
Et l’avare desir dont il sent les efforts,
Luy fait perdre le jour sans gagner des thresors.
L’un plus vindicatif s’abandonne à la haine ;
Pour procurer du mal se donne de la peine ;
Croit perdre un ennemy lors qu’on le voit perdu ;
Et tombe dans le piege apres l’avoir tendu.
Un autre ambitieux medite des conquestes ;
Croit desja voir un char et des couronnes prestes ;
Croit desja voir des roys à ce char enchaisnez,
Par luy superbement en triomphe menez ;
Mais dans les vains projets de sa gloire future,
Un regard seulement change son avanture :
Un regard seulement du celeste moteur,
Renverse le triomphe et le triomphateur.
Malgré l’ambition de nostre ame si fiere,
Les honneurs ne sont rien que terre et que poussiere :
L’eternel qui s’en jouë en fait ce qui luy plaist ;
Le thrône est renversé, tout superbe qu’il est ;
Et d’un seul mouvement la puissance divine,
Doit un jour renverser la terrestre machine.
Abaissons, abaissons, et nos cœurs et nos yeux,
Et ne murmurons plus contre l’ordre des cieux :
Voyons l’aveuglement de l’humaine prudence,
Et sa foiblesse enfin contre la providence,