Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/186

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Et d’une voix flatteuse, et qui donne du cœur,
Le celeste pilote excite leur vigueur.
Compagnons, leur dit-il, ramez, la chose presse :
La liberté du roy despend de vostre adresse :
De grace faites force, et hastant son retour,
Qu’il doive à vos labeurs, et le sceptre, et le jour.
Ce discours les surprend ; ce discours les estonne ;
Mais pourtant leur esprit au plaisir s’abandonne :
Et comme ce qu’on veut est creu facilement,
L’ange les persuade, et le fait aysément.
Ces rameurs animez par sa juste priere,
Se panchent en avant ; se panchent en arriere ;
Les rames à la fois, tantost haut ; tantost bas ;
Suivent du mouvement l’invisible compas :
Et faisant boüillonner la campagne salée,
Font glisser sur les flots la chaloupe esbranlée :
Et ces flots tournoyans passent confusément,
De la proüe à la poupe en ce mesme moment.
Mais insensiblement la noirceur diminuë ;
Desja quelque blancheur a coloré la nuë ;
Et l’astre tout-puissant qui fait ouvrir les fleurs,
Desja mesle à ce blanc de plus vives couleurs.
Au chant de mille oyseaux Alaric se resveille ;
Et de l’objet aymé la beauté nompareille
Se resveille en son ame, et parmy ces plaisirs,
Avec le jour naissant renaissent ses desirs.
Il se leve aussi-tost, et l’amour qui le presse,
Le remene à l’endroit où dormit sa maistresse :
Il se