Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/199

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Et ne pouvant souffrir le celeste flambeau,
Il s’en alloit passer les nuits sur un tombeau.
C’estoit là, c’estoit là, que loin de se deffendre,
Il vouloit par ses feux rechauffer cette cendre :
Qu’il confessoit son crime en ce lieu de terreur ;
Et que le confessant il en avoit horreur.
Il se nommoit barbare ; il se nommoit perfide ;
Des ruisseaux de ses pleurs la terre estoit humide ;
Et puis tombant pasmé, comme il faisoit souvent,
L’on n’eust pû discerner la morte et le vivant :
Tant les sens offusquez par la melancholie,
Laissoient sur un cercueil son ame ensevelie :
Tant l’extrême douleur par d’extrêmes efforts,
Abattoit à la fois son esprit et son corps.
Ce que le desespoir a de plus effroyable ;
Ce que l’affliction a de plus pitoyable ;
Ce que le repentir a de plus douloureux ;
Ce que la passion a de plus amoureux ;
Ce que l’amour parfaite a de plus vive flâme ;
De tendresse ; d’ardeur ; tout estoit dans son ame ;
Tout, pour le tourmenter, attaquoit sa raison ;
Dans un mal sans remede, et sans comparaison.
Mais pendant qu’il souffroit ces inutiles peines,
Un puissant ennemy qu’il avoit dans Athenes,
L’attaque finement ; l’accuse aupres du roy ;
Dans son cœur esbranlé fait glisser de l’effroy ;
Luy dit qu’il veut choquer l’authorité royale ;
Et que c’est contre luy que ce prince cabale :