Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/200

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Qu’il va toutes les nuits de maison en maison,
Afin de mieux cacher sa lasche trahison :
Et qu’avançant tousjours l’entreprise hardie,
L’estat s’en va perdu si l’on n’y remedie.
Ce prince desfiant croit ce qui n’estoit pas ;
Soupçonne cét amant ; fait observer ses pas ;
Aprend qu’il dort le jour, et que la nuit il veille ;
Et n’escoutant que trop la peur qui le conseille ;
Et craignant de sa part un funeste succés,
Il le fait arrester, et luy fait son procés.
Par mille faux tesmoins l’innocence opprimée,
Voit tout armer contre elle encor que desarmée :
Et la force des loix que l’infortuné sent,
Espargne le coupable, et frape l’innocent.
Dans un crime d’estat il suffit qu’on soupçonne :
On confisque son bien ; on bannit sa personne ;
Le severe ostracisme estant renouvellé,
On le chasse du port comme un pauvre exilé.
Mais il est sur la mer ce qu’il est sur la terre :
L’implacable destin par tout luy fait la guerre :
Il irrite les vents ; il sousleve les flots ;
Et la tempeste enfin, malgré les matelots,
Apres l’avoir poussé dans un climast sauvage,
Va briser le navire aux escueils du rivage :
Et lors qu’il croit son mal sur le point de finir,
La fortune le sauve afin de le punir.
Elle le met aux fers d’un maistre impitoyable ;
Elle luy fait souffrir un tourment incroyable ;