Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/204

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pour objet,
Que l’honneur de ce roy dont tout prince est sujet.
Qu’il regne en vostre cœur comme en vostre memoire :
N’aymez que luy, seigneur, ou qu’apres luy, la gloire :
Et comme elle est la fin de vostre passion,
Suivez de ce grand cœur la noble ambition.
Voyez et confessez la foiblesse de l’homme :
Escoutez cette voix qui vous apelle à Rome :
Et sans plus escouter l’enfer qui vous seduit,
Entrez dans le bateau qu’un bel ange conduit.
Comme l’on voit chercher à celuy qui sommeille,
L’objet de son erreur, à l’instant qu’il s’esveille ;
Faire tout esveillé ce qu’il fit en dormant ;
Et croire voir encor ce fantôme charmant.
Ainsi fait Alaric malgré toute sa honte :
Il cherche en soupirant la feinte Amalasonthe ;
Il en garde l’image empreinte au souvenir ;
Et son œil, peu s’en faut, croit la voir revenir.
Mais enfin surmontant cette erreur qu’il remarque,
Il quitte ce rocher ; il descend ; il s’embarque ;
Et l’ange secondant son genereux effort,
Fait abaisser la rame, et l’esloigne du bord.
Or pendant qu’il s’en va comme un trait qu’on decoche,
Rigilde qui le voit du plus haut de la roche,
Desespere en luy-mesme ; en destourne les yeux ;
Se plaint esgalement de l’enfer et des cieux ;
Et honteux de l’affront que tout son art endure,
Il maudit, il deteste, il se plaint, il murmure.