Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/205

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Quoy, dit-il, foible enfer ; demons trop impuissans ;
Demons à mon sçavoir en vain obeïssans ;
Esprits qui vous vantez de renverser la terre ;
D’arrester le soleil ; de former le tonnerre ;
D’esbranler l’univers jusqu’à son fondement ;
Et d’en troubler tout l’ordre assez facilement ;
Fantômes orgueilleux, vostre erreur m’est connuë :
Puissance de l’enfer, qu’estes-vous devenuë ?
Que deviens-je moy-mesme ? Et quel est le pouvoir,
Qui brave insolemment l’enfer et mon sçavoir ?
Quoy, nous le souffrirons cét outrage sensible !
Quoy, nostre art ne peut rien, à qui tout fut possible !
Et puis qu’un tel affront nous vient deshonnorer,
Est-il aucun mortel qui nous daigne implorer ?
Non, non, je veux perir, ou vanger mon outrage :
Je manque de bonheur, mais non pas de courage :
Plus je trouve d’obstacle, et plus j’ay de vigueur :
Plus le sort me combat, moins je crains sa rigueur.
Il est pour Alaric, mais voulant le deffendre,
Il ne peut m’empescher d’oser et d’entreprendre :
Il est maistre, il est vray, de tout l’evenement ;
Mais je le suis aussi de mon ressentiment.
A ces mots le sorcier s’envelope de nuës ;
S’esleve promptement sur les vagues chenuës ;
Devance la chaloupe, et vole en gemissant ;
Mais d’un gemissement, et fier, et menaçant.
Comme aux champs lybiens, la lionne irritée,
Rugit quand un chasseur emporte sa portée ;