Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/216

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Ils souflent la tempeste ; ils la vont exciter ;
Et le plus grand des roys ne les peut arrester.
Je la voy, je la voy, cette orgueilleuse flote,
Errer au gré des vents, malgré l’art du pilote :
Et si les aquilons veulent me secourir,
Je la voy dispersée, et je la voy perir.
Mais pendant que Rigilde entretient cette rage,
Du criminel espoir d’un si triste naufrage,
L’aurore se fait voir aux portes d’orient,
Et colore le ciel d’un lustre variant.
A son premier aspect les soldats se resveillent ;
Les nochers sont debout ; les vaisseaux s’apareillent ;
Et pour ne perdre point un temps qu’on voit si beau,
Mille rames alors font escumer cette eau.
Alaric sur sa poupe, en riche habit de guerre,
Tourne encor ses regards du costé de la terre :
Il y laisse son cœur ; il y porte les yeux ;
Mais enfin il se dompte, et les esleve aux cieux.
Maistre de l’univers, dit ce roy magnanime,
Toy seul m’as inspiré cette ardeur qui m’anime :
Conduits-nous vers le Tibre où j’espere arriver ;
Mon ouvrage est le tien, viens-le donc achever.
Comme ce grand heros parloit de cette sorte,
Une aigle qui voloit à ses pieds tombe morte :
Et d’un heureux presage animant son grand cœur,
Luy predit que de Rome on le verra vainqueur.
O roy de tous les roys, j’accepte cét augure,
Dit-il, et nous marchons à la haute avanture :
Ta volonté nous