Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/215

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Ce fut là que Rigilde, outré de desespoir ;
Le cœur gros de despit ; et manquant de pouvoir ;
Fut chercher un secours à sa force impuissante,
Avant qu’on vist au ciel la lumiere naissante.
Ce fut là qu’assisté des esprits animez,
Il emporta les vents dans un outre enfermez :
Et que par un prodige aussi grand qu’incroyable,
Il devint le tyran d’un peuple impitoyable,
Qui lors que son caprice esclate les hyvers,
En souslevant les flots fait trembler l’univers ;
Qui des plus fermes tours abat les grandes masses ;
Et qui de sa fureur laisse par tout des traces.
Ainsi laissant derriere, et Pelore, et Pachin,
Rigilde se chargeant de son leger butin,
Revoit, mais de bien loin, les campagnes françoises,
Et revole content vers les rives danoises,
Avec le grand espoir d’y souslever les flots,
Et d’y faire perir la flote d’un heros.
Je vaincray, je vaincray, disoit-il en luy-mesme,
Et bien que d’Alaric la valeur soit extrême ;
Et que cette valeur puisse tout surmonter ;
Je ne me flatte point, j’ay dequoy la dompter.
A quoy sert sa bravure aux choses impossibles ?
Ses plus fiers ennemis luy seront invisibles :
On les sent sans les voir ; et souffrant leur courroux,
On ne sçait ce que c’est, ny d’où partent leurs coups.
Ils courent enragez ; ils heurtent ; ils fracassent ;
Plus on leur fait d’obstacle, et plus legers ils passent ;