Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/221

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Qui luy prescrit son cours ; qui luy donne des loix ;
Commande, et l’ocean obeït à sa voix.
Le ciel devient serain ; la mer paroist tranquile ;
Et l’on voit Albion, la grande et fameuse isle,
L’abondante Albion, de qui les blancs rochers,
Redonnent de la force à ces foibles nochers.
Ces mariniers lassez y voguent avec joye :
Tels vit-on autrefois les fugitifs de Troye,
Lors qu’apres la tempeste, au rivage afriquain,
Ils se virent sauvez d’un naufrage certain.
En un lieu retiré, solitaire et paisible,
La mer laisse dormir sa colere terrible :
Et sous deux grands rochers qui la couvrent des vents,
Elle abaisse l’orgueil des flots tousjours mouvans.
Là peuvent les vaisseaux estre exempts de l’orage,
Sans que l’anchre courbé s’acroche à ce rivage :
Et le calme eternel qui regne en ces beaux lieux,
Fait que l’on n’y craint rien de la mer ny des cieux.
Ces deux vastes escueils ont leurs cimes couvertes,
De superbes sapins a feüilles tousjours vertes :
Qui donnant sur la mer font voir parmy ses eaux,
Et l’ombre, et la couleur, de leurs espais rameaux.
Du creux des grands rochers une source argentée,
Avec un bruit charmant se voit precipitée :
Et d’un superbe saut elle tombe en naissant,
Dans la superbe mer qui va l’engloutissant.
Là de ce grand heros aborde le navire,
Conduit par la fortune, et poussé par Zephire,
Et brisé