Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme il est, il passe heureusement,
D’un element mobile au plus ferme element.
Alors tout se desbarque ; et la marine troupe,
Voit descendre Alaric le dernier de sa poupe :
Il en vole d’un sault ; et sans paroistre las,
Sur le sable mouvant il imprime ses pas.
Mais ce prince qui voit que leur ame estonnée,
De la faveur du ciel se croit abandonnée,
Cache le desplaisir dont il est assailly ;
Le renferme en son cœur devant leur cœur failly ;
Dans ses yeux plus sereins fait voir de l’esperance ;
Et leur promet un bien qui n’a point d’aparence.
Compagnons, leur dit-il, esperez, esperez :
Nous vaincrons les Romains, et vous triompherez.
La mer, la fiere mer, dans sa vaste estenduë,
Ne m’a point pris de nef qui ne me soit renduë :
Dieu qui nous a sauvez, sauvera nos vaisseaux :
Il m’a promis un thrône, et non pas des tombeaux :
Il m’a promis l’empire, et non pas le naufrage :
Il est assez puissant pour finir cét ouvrage :
Ainsi vous consolant, adoucissez enfin,
Avec ces grands destins ce contraire destin.
Asseurez-vous en luy, de qui la force est grande :
Et lors se separant de la craintive bande,
L’invincible Alaric monte sur les rochers,
Sans vouloir apres luy, ny soldats, ny nochers :
Afin de regarder si la mer appaisée,
Ne fait point r’assembler sa flote divisée.
Il soupire ;