Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/224

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Et parmy le malheur dont il se va plaignant,
Il craint avec espoir, il espere en craignant.
Mais lors que ce heros, dont l’ame est balancée,
Retourne enfin vers Birch ses yeux et sa pensée,
Il s’esleve en son cœur un orage nouveau,
Qui l’esmeut sur la terre aussi bien que sur l’eau.
Ha, dit-il, ha, dit-il, c’est la qu’on voit encore,
Ce que je ne voy plus, comme ce que j’adore !
C’est là qu’Amalasonthe est plaine de despit,
Et que je ne suis plus peut-estre en son esprit.
Oüy, comme ce despart luy doit sembler estrange,
C’est là qu’on me punit, c’est là qu’elle se vange ;
C’est là qu’un noble orgueil vient encor l’irriter ;
C’est là qu’elle me quitte en se voyant quitter.
O cruelle pensée ! ô suplice effroyable !
Mais juste toutefois autant qu’impitoyable :
Car enfin je la quitte ; et puis que je le puis,
Mon cœur trop criminel merite ses ennuis.
Peut-estre que l’oubly m’a chassé de son ame ;
Peut-estre qu’un rival y met une autre flâme ;
Peut-estre que la haine ayant banny l’amour,
Elle pousse des vœux, mais contre mon retour :
Et peut-estre que lors que je pleure pour elle,
Elle rit de ces pleurs ; l’ingrate ; l’infidelle ;
Elle me fait un mal que j’ay bien merité ;
Car que ne peut l’absence en un cœur irrité ?
Je sçay bien, je sçay bien, que si cette personne,
Voyoit les sentimens que l’absence me donne ;