Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/223

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il gemit ; il regrette en son cœur,
Tantost d’Athalaric l’invincible vigueur ;
Tantost de Radagaise il pleure le courage ;
Tantost du fier Haldan il voit la fiere image ;
Tantost du grand Sigar, et du vaillant Wermond,
Il cherche à voir les nefs du plus haut de ce mont ;
Tantost de Hildegrand il revoit la prudence ;
Tantost de Theodat il songe à la vaillance ;
Tantost de Jameric l’âge luy fait pitié ;
Et ce cœur, ce grand cœur, sensible à l’amitié ;
Et ce cœur, ce grand cœur, plus sensible à la gloire ;
Du penser de sa perte afflige sa memoire ;
Et cherche en se plaignant dequoy se consoler,
Sur ces rochers scabreux où seul il veut aller.
Aussi loin que ses yeux peuvent jetter leur veuë,
Il regarde la mer moins fiere et moins esmeuë :
Il y cherche ses nefs comme ses matelots ;
Mais il n’y peut rien voir que les superbes flots.
Alors de tous costez sur la campagne humide,
Il tache avec espoir, mais un espoir timide,
De descouvrir enfin quelqu’un de ses vaisseaux,
Sauvé de la fureur, et des vents, et des eaux.
Comme on voit un amant vers la fin d’une absence,
De l’objet qu’il cherit attendre la presence ;
Compter tous les momens ; et tousjours regarder,
Si cét aymable objet ne vient point aborder.
Ainsi du roy des Goths l’ame encore incertaine,
Regarde incessamment vers cette mer hautaine :