Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/257

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Ainsi voit-on alors ces illustres guerriers,
S’avancer tous en foule, et pousser les premiers.
Dans les champs spacieux les troupes s’eslargissent,
Loin du bord et du bruit de ces flots qui mugissent ;
Tout campe ; tout se loge ; et les fiers bataillons,
Dressent en un moment cent et cent pavillons.
Icy l’un court au bois, et l’autre à la fontaine ;
L’autre par deux cailloux, d’une adresse certaine,
Les tenant des deux mains, et les choquant un peu,
Excite, allume, embraze, et fait luire un grand feu.
L’on descharge les nefs ; l’on met tout au rivage ;
Alors chacun travaille, et chacun s’encourage ;
Et tous ces mariniers, du ciel favorisez,
Songent à radouber leurs navires brisez.
L’un observe le sien ; l’autre la poix apreste ;
L’un oste un mast rompu des coups de la tempeste ;
L’autre vers la forest jette les yeux plus loin,
Et regarde le bois dont il aura besoin.
Celuy-cy tient desja le maillet et l’estoupe,
Dont il doit calfater, et sa proüe, et sa poupe :
Et cét autre fait fondre, et fait desja fumer,
Cette gluante poix qui resiste à la mer.
Cependant Alaric, parle, carresse, embrasse,
Et pert le souvenir de toute sa disgrace :
Il tend la main à l’un ; à cét autre il sous-rit ;
Il fait voir dans ses yeux ce qu’il a dans l’esprit ;
Enfin il entretient tout ce qui l’environne :
Et tournant ses regards vers la belle Laponne,