Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/256

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Il perd le souvenir de tant de maux souffers ;
Il voit le Tibre esclave, et Rome dans les fers.
L’un du prudent Sigar reconnoist la banniere ;
L’autre du fier Haldan voit l’enseigne guerriere ;
Celuy-cy d’Hildegrand distingue les pavois,
Qu’alentour de la poupe on mettoit autresfois ;
Cét autre reconnoist un navire à sa proüe ;
L’autre à la banderolle où Zephire se jouë ;
L’un monstre à ses amis un grand fanal doré ;
Et l’autre un estendart sur la poupe arboré.
Soldat ny marinier, general ny pilote,
Aucun ne doute plus que ce ne soit leur flote :
Tous en tombent d’accord au raport de leurs yeux ;
Tous encor une fois poussent des cris aux cieux.
Cependant cette flote à rames comme à voiles,
Vient en jettant des cris qui monstent aux estoiles :
Et du bord de la mer, ainsi que des vaisseaux,
Chacun se tend les bras avancez vers les eaux ;
Chacun comme à l’envy, d’une ardeur mutuelle,
Compare un si doux calme à la mer si cruelle ;
Et confesse en son cœur d’un secret entretien,
Que c’est par un grand mal que l’on gouste un grand bien.
Tout s’aproche à la fin ; tout vient ; tout se desbarque ;
L’on voit desja les chefs à l’entour du monarque ;
Et du creux de ces nefs sortent comme à grands flots,
Confusément meslez, soldats et matelots.
Comme on voit l’ocean de son urne profonde,
Vers le bord opposé pousser onde sur onde ;