Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/268

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En vain nous faisons voir aux yeux d’un prince amant,
De l’objet qu’il cherit, le fantôme charmant :
En vain pour arriver au but de nostre envie,
Nous le luy faisons voir prest à perdre la vie :
En vain nous souslevons mille flots irritez :
En vain Amalasonthe avec mille beautez,
Tache de retenir un amant si fidelle :
Il la quitte ; il s’embarque ; il part ; il s’enfuit d’elle ;
Il vient à bout de tout ; il s’avance à grands pas ;
Et Rome va tomber sous l’effort de son bras.
Esprits, soustenons-là, cette fameuse Rome :
L’enfer le cede au ciel, mais non pas l’ange à l’homme :
Un heros est mortel ; et parmy le danger,
Apres tant de malheurs nostre sort peut changer.
C’est pour ce grand dessein qu’icy je vous assemble :
L’interest est commun ; travaillons donc ensemble :
Donnez-moy vos conseils ; et monstrant un grand cœur,
Devenons à la fin les vainqueurs d’un vainqueur.
A ces mots il se taist, muet comme une idole :
Un soûpir enflâmé luy coupe la parole :
La douleur le suffoque ; et l’orgueilleux despit,
Se rend maistre absolu de ce superbe esprit.
Comme un nombreux essein, qui la ruche abandonne,
Murmure sourdement, fait du bruit, et bourdonne ;
Ainsi tous les demons qui parlent bas entr’eux,
Forment le mesme bruit dans un antre si creux.
Mais enfin Belzebuth les oblige à se taire ;
Enflé qu’il est de rage, et flambant de colere :