Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/282

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Et dans l’accablement où se verra le roy,
Si tu vas, s’il te voit, je le revois à toy.
A ces mots disparoist la pasle et plaintive ombre :
La fille se releve, et dans un lieu si sombre,
Trois fois pour l’embrasser cette belle courut,
Et toutes les trois fois cette belle ne put :
Le fantôme leger de la personne aymée,
Eschappant comme un vent, ou comme une fumée.
Alors cette beauté retombe sur son lict,
Le cœur tout palpitant de crainte et de despit :
Mais bien que de la voix elle ait perdu l’usage,
Une noble fierté paroist sur son visage :
Et la colere enfin, avec beaucoup d’éclat,
Parmy son pasle teint remet de l’incarnat.
Comme lors que l’on voit sur la mobile nuë,
Une couleur de pourpre au marinier connuë,
Il juge que l’orage est tout prest d’éclater,
Bien que la mer tranquile ait dequoy le flater.
De mesme la rougeur de la belle offensée,
Fait predire l’orage esmeu dans sa pensée :
Et son ame sortant de ce triste repos,
Avec un grand soûpir elle éclate en ces mots.
Quoy, l’ingrat me trahit ! Quoy, l’ingrat m’abandonne !
Il m’a donné son cœur, et le lasche le donne !
Et par un nouveau crime augmentant mon ennuy,
Il donne, le meschant, ce qui n’est plus à luy.
Quoy, dés le premier pas, il bronche le perfide !
A peine est-il encor sur la campagne humide,
Qu’il