Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/313

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Et traversant le Varc, apres quelques combats,
Sur les Alpes enfin, il fait les premiers pas.
Plus vistes que les traits qu’un bon archer decoche,
Il voit de fiers torrents bondir de roche en roche :
Et se precipiter en tournoyant tousjours,
Dans le creux des vallons où va tomber leur cours :
Mais avec tant de bruit, mais avec tant d’escume,
Que le cœur le plus ferme à peine l’accoustume.
Il traverse des monts qui font horreur à voir ;
Des monts où le soleil semble estre sans pouvoir ;
Où la neige eternelle à grands tas amassée,
S’endurcit, et devient transparente et glacée :
Se herisse, et pendant à pointes de cristal,
En semble couronner son affreux lieu natal.
Des cimes des rochers les figures cornuës,
En lassant les regards se perdent dans les nuës :
Et de tous les costez en ces lieux peu feconds,
Des antres tenebreux s’enfoncent sous ces monts.
Des chemins escarpez bordez de precipices,
Qui pour le desespoir sont seulement propices,
Font trembler de frayeur les plus hardis soldats,
Car la mort ou la vie y despend d’un faux pas.
Les branches des hauts pins, de froids glaçons couvertes,
Au milieu de l’esté sont plus blanches que vertes :
Un vent froid et coupant, y souffle un air mortel ;
Un eternel hyver ; un broüillards eternel ;
Environne ces lieux de froid et de tenebres ;
Lieux que l’on voit tousjours affreux comme funebres ;