Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/316

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voit tomber ce fardeau perilleux,
Qui s’en va l’accabler sous ces monts orgueilleux.
A peine est une roche au fond de la vallée,
Qu’une autre roche apres est encore esbranlée :
Et là plus d’un soldat rencontrant son tombeau,
Mesle un torrent de sang, à des fiers torrents d’eau.
Radagaise qui voit redoubler cét orage,
Redouble esgalement sa force et son courage :
Ha compagnons, dit-il, à quoy bon discourir ?
Il faut, il faut soldats, ou passer, ou mourir.
A ces mots il s’eslance ; et la force romaine,
Rend, en le repoussant, son entreprise vaine :
Il tombe à la renverse au fond du grand fossé,
Estourdy de la cheute, et des armes froissé.
Mais comme il se releve, une roche effroyable,
Comble ce large creux, le renverse, et l’accable :
Et le sang du guerrier petille tout fumeux,
De la noble chaleur qui le rendit fameux.
A ce spectacle affreux l’avant-garde estonnée,
Perd l’honnorable espoir de se voir couronnée :
Recule, et reculant avec un tel effroy,
Renverse la bataille où commande le roy.
Alors ce grand heros d’un courage invincible ;
Et d’un bras menaçant ; et d’une voix terrible ;
Où fuyez-vous ? Dit-il, soldats, où fuyez-vous ?
Vous craignez des rochers, craignez plutost mes coups.
Si vous ne tournez teste en effaçant ces taches,
Vous trouverez la mort que vous fuyez en lasches :
Suivez-moy, suivez-