Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/317

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moy, comme il est à propos,
Où ce fer vangera le deshonneur des Goths.
A ces mots ce grand roy suivant sa noble audace,
Monte, perce les rangs, et se fait faire place :
Redonne l’assurance aux siens espouventez :
Et malgré les rochers qui sont encor jettez ;
Et malgré mille traits qui pleuvent sur sa teste ;
Il voit la barricade où le Romain l’arreste ;
Il passe sur la roche où Radagaise est mort ;
Il se prend à des pieux avec un grand effort ;
De la gauche il les tient ; de la droite il foudroye ;
Il destourne les traits que le Romain envoye ;
Il monte ; il le repousse ; et dans moins d’un moment,
On voit ce grand heros sur le retranchement.
Il y saute, on le suit ; il avance, on recule ;
Le sabre d’Alaric vaut la masse d’Hercule ;
Sous des coups si pesants, tout cede, tout se rend,
Et sur leurs bataillons il fond comme un torrent.
Quoy Romains, leur dit-il, vous qui cherchez la gloire,
Vous avez donc voulu desrober la victoire !
Mais superbes Romains, il la faut disputer ;
Et pour avoir la gloire, il la faut achepter.
A ces mots, Stylicon, que Belzebuth anime,
Joignant à sa valeur un despit magnanime,
Se pousse hors des rangs, et d’un superbe pas,
Marche vers Alaric en eslevant le bras.
Comme quand deux lions, dont la force est esgale,
Disputent d’un taureau la despoüille fatale,