Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/322

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Il fait prendre son corps, et montant ces grands monts,
Il signale son deüil par des soûpirs profonds.
Là creusant son tombeau sur les Alpes chenuës ;
Là sur leur cime affreuse, et plus haut que les nuës ;
Un superbe trophée arreste les regards,
Composé de boucliers, de piques, et de dards ;
De casques, de carquois, d’arcs, de fléches, d’espées ;
D’enseignes en desordre, et dans le sang trempées ;
De cuiraces, d’espieux, de tambours, de clairons,
Objet superbe et grand qui brille aux environs ;
Et dont l’inscription eternisant sa gloire,
Avec ce peu de mots consacre sa memoire.
Icy git un guerrier qui trouva peu d’esgaux ;
Car son cœur fut plus grand que ces monts ne sont hauts.
Apres l’avoir donc mis sous la tombe fatale,
En un lieu consacré par le prelat d’Upsale,
Alaric dont la force esgale la bonté,
Commence de descendre autant qu’il a monté.
Tel le Gange fameux tombe de ses montagnes :
Tel le superbe Nil inonde les campagnes :
Et tel en traversant un lac majestueux,
S’espanche dans les champs le Rhosne impetueux.
Du plus haut de ces monts, dont l’orgueil s’humilie,
Le camp des Goths s’espand dans la belle Italie :
Et fatigué qu’il est, il fait alte en ces lieux,
La merveille du monde, et le plaisir des yeux.