Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/340

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Le destin, luy dit-il, adorable Probé,
A fait que le Romain trop foible a succombé :
Que le Goth plus heureux s’est ouvert le passage,
Malgré les vains efforts qu’a faits nostre courage :
Et que manquant enfin, de force et non de cœur,
Tiburse vous revoit sans vous revoir vainqueur.
Mais bien que son party revienne sans victoire,
Ce malheureux amant ne revient pas sans gloire :
Et si pour meriter nostre prix glorieux,
Il faut estre vaillant, et non victorieux,
Je puis sans vanité concevoir l’esperance,
Qu’à la fin mes travaux auront leur recompense :
Et que m’estant sauvé d’entre tant d’ennemis,
J’obtiendray le laurier que vous m’avez promis.
Non, non (respond alors le genereux Valere)
Probé ne nous doit voir que d’un oeil de colere :
Et des Romains vaincus qui demandent des prix,
Sont indignes de vivre, et dignes de mespris.
Nostre fuite honteuse a merité sa haine :
Si Probé ne nous hait, elle n’est pas romaine :
Oüy, nous sommes sans cœur ayant esté sans mains,
Et nous devions luy plaire en mourant en Romains.
Oüy, vostre devancier vous aprît dans Utique,
Qu’on doit s’ensevelir avec la republique :
Et je ne voy que trop par les grands Scipions,
Que j’ay mal imité leurs belles actions.
Adorable Probé, j’en rougis, je l’advouë :
Et bien que des mortels la fortune se jouë,
Et bien que le hazard