Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/460

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Et nous sçaurons trouver encor d’autres moyens,
Pour abaisser l’orgueil de ses fiers citoyens.
Marchons, marchons soldats, adjouste ce grand homme,
Rome a porté des feux ; portons des feux dans Rome ;
C’est aux vainqueurs des Grecs à punir les Romains ;
Des lauriers sur la teste, et des palmes aux mains.
Le camp fait ce qu’il dit ; tout marche, ou plutost volle :
Desja se montre à luy le haut du Capitole :
Et du haut de ses tours le Romain estonné,
Voit revenir ce roy, pompeux et couronné.
Comme le moissonneur qui voit fondre l’orage,
Perd en le regardant, et couleur, et courage ;
L’observe avec douleur ; en sent mille frissons ;
Et juge qu’il va perdre, et campagne, et moissons.
Ainsi du haut des murs la jeunesse romaine,
Voit venir ce grand corps qui s’estend dans la plaine :
Et presage en son cœur, pleine d’estonnement,
De ses mauvais destins le triste evenement.
Elle entend cent tambours, elle entend cent trompetes ;
Elle voit cent drapeaux, de cent troupes deffaites ;
L’aigle traisne par terre, et cent et cent captifs,
La suivent enchaisnez, pasles, mornes, craintifs.
Sur son beau char doré, la belle Amalasonthe,
Traisne Eutrope attaché, le front baissé de honte :
Et le grand Alaric superbement monté,
La regarde sans cesse, et marche à son costé.
Trois fois le long des murs ce beau triomphe passe :
Le Romain qui le voit, par là voit sa disgrace :