Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/56

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Et des bouts de la terre, où l’aigle avoit volé,
On venoit requerir son butin signalé.
Rome, de qui cent roys avoient porté les chaisnes,
A peine commandoit aux provinces prochaines :
Et toute sa puissance, en ses plus grands efforts,
A peine estoit encor l’ombre de ce grand corps.
La molle volupté de la Grece domptée
Surmontoit la valeur qui l’avoit surmontée :
Et regnant à son tour sur ces illustres cœurs,
Les vices des vaincus, triomphoyent des vainqueurs.
L’aigle qui fut long-temps plus craint que le tonnerre,
N’osoit plus s’eslever, et voloit terre à terre :
Et ce superbe oyseau, loing des essors premiers,
Se cachoit tout craintif dessous ses vieux lauriers.
Le foible Honorius confiné dans Ravenne,
N’estoit d’un empereur que la chimere vaine :
Et s’il vouloit agir pour le peuple romain,
Le sceptre trop pesant luy tomboit de la main.
Le senat n’avoit plus de sages ni de braves ;
Il estoit composé d’affranchis et d’esclaves,
Que la fortune aveugle eslevoit en ce rang,
Plutost que la vertu, ni que le noble sang.
La majesté des loix paroissoit mesprisée ;
Par cent divers tyrans Rome estoit maistrisée ;
Les puissans oprimoient le foible impunément ;
Et l’on ne vit jamais un tel desreglement.
Dans ce siecle de fer les muses desolées,
Comme Ovide autrefois se voyoient exilées,