Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/57

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Apres avoir souffert un indigne mespris,
Et l’ignorance crasse offusquoit les esprits.
Chacun s’abandonnoit aux passions brutales ;
La terre eust deub s’ouvrir pour toutes les vestales ;
La vertu recevoit cent outrages mortels,
Et le crime insolent alloit jusqu’aux autels.
La vanité, l’orgueil, la fourbe, l’impudence,
Le luxe, les plaisirs, la paix, et l’abondance,
Avoient si fort changé la reyne des citez ;
Avoient si fort changé ses bonnes qualitez ;
Là faisoient à tel poinct toute une autre paroistre,
Qu’on cherchoit Rome en Rome, et sans la reconnoistre :
Et dans ces facheux temps, si honteux aux humains,
On voyoit des Romains, qui n’estoient plus Romains.
Du haut de l’empirée, où Dieu regne en sa gloire ;
Où des faits des mortels il garde la memoire ;
Où de leurs actions il juge en equité ;
Il voit ce grand desordre, et le voit irrité.
« Quoy, dit-il, cette ville en vertus si feconde,
L’arbitre de la terre, et la reyne du monde,
Elle que je comblé de richesse et d’honneur,
Trouve son infortune en son propre bonheur ;
Abuse ingratement de l’excés de mes graces ;
De ses grands fondateurs suit mal les belles traces ;
S’abandonne à tout vice, et tombe en un moment,
Du faiste de la gloire en cét abaissement !
Son aigle perd les yeux dans sa propre lumiere ;
Il ne luy souvient plus de sa grandeur premiere ;