Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/78

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Et le bruit de la cour, et le peuple indiscret,
Ont porté jusqu’à moy cét important secret.
Mais comme je connois vostre prudence grande,
Je crois assurément que les sorciers d’Islande,
(Eux qu’un art si puissant rend par tout renommez)
Vous ont vendu le calme, et les vents enfermez.
Vous avez trop d’esprit, pour commettre à l’orage
Le destin de l’estat, c’est un trop grand naufrage :
Et si vous ne teniez, et les flots, et les vents,
Vos desseins paroistroient plus hardis que prudents.
Sans doute que cét art qui fait tant de miracles,
Doit vous oster, seigneur, toute sorte d’obstacles :
Et malgré la nature, et malgré le destin,
Transporter vos soldats du couchant au matin.
Il vous fera voler sur les Alpes chenuës ;
Pour éviter ces monts, vous irez sur les nuës ;
Et l’aigle vous verra fondre comme elle fond,
Au haut du Capitole, ou sur quelque autre mont.
Les vivres ; l’atirail ; les machines de guerre ;
(Embarras qui si loin ne peut aller par terre)
Par ce chemin nouveau suivront facilement,
Et tout ne peut manquer d’aller heureusement.
Des superbes Romains les nombreuses armées,
Depuis tant de saisons à vaincre accoustumées,
Fuiront devant la vostre, et par son seul esclat,
Rome à qui tout ceda, cedera sans combat.
Rome succombera sous un sort pitoyable ;
Un ange vous l’a dit, et la chose est croyable ;
Un ange vous l’a