Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/79

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dit, il n’en faut pas douter ;
Le bonheur de l’estat n’a rien à redouter ;
Des guerres sans sujet, les fins sont tousjours bonnes ;
Il nous faut seulement preparer des couronnes,
Dignes de l’equité qui conduit ce grand cœur,
Car s’il plaist au hazard, vous reviendrez vainqueur.
Dans un si grand dessein, où la gloire est extrême,
C’est peu, seigneur, c’est peu, de quitter ce qu’on aime :
Ou pour parler plus juste, et pour mieux m’exprimer,
Ce que l’on n’ayme point, et ce qu’on feint d’aymer. »
« Ha cessez, luy dit-il, cruelle Amalasonthe,
D’adjouster à mes maux le reproche et la honte !
Dire que je mesprise un objet si charmant,
C’est me dire sans yeux, comme sans jugement ;
C’est me faire un outrage aussi grand que sensible ;
C’est me connoistre mal ; c’est croire l’impossible ;
C’est estre sans raison ; c’est me desesperer ;
Et mettre un triste cœur en estat d’expirer.
Si de vostre beauté mon ame n’est ravie ;
Si je ne vous cheris plus que ma propre vie ;
Puissent, par ces malheurs dont vous me menacez,
Les desseins que je fais, estre tous renversez ;
Puisse Rome me vaincre, et me voir son esclave ;
Qu’un maistre imperieux, me commande, et me brave ;
Et pour parler d’un sort plus terrible en ses coups,
Puissay-je en revenant, estre hay de vous.
Diray-je ma pensée, et la pourrez-vous croire ?
C’est pour vous seulement que je cherche la gloire ;