Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/84

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Il faloit, il faloit la haine ou le trespas :
Et cependant tu vis, et tu ne le haïs pas.
Mais quelle est mon erreur ? Mais que dis-je insensée ?
Je change de discours ; je change de pensée ;
Non, je ne l’ayme plus, puis qu’il me peut trahir :
Je le haïs, je le haïs, ou je le crois hair.
Mais soit l’un, ou soit l’autre, estant sans allegeance,
Ne nous refusons pas celle de la vangeance :
Combattons son destin ; troublons tous ses desseins ;
Liguons tout l’univers avecques les Romains ;
Suscitons contre luy tous les peuples du monde ;
L’amour ingenieux, que le despit seconde,
Est capable de tout, dans un cœur genereux ;
Dans un cœur outragé ; dans un cœur amoureux. »
Mais comme elle se pleint, Rigilde la demande :
Rigilde le plus grand des grands sorciers d’Islande :
Rigilde qui cent fois, avec estonnement,
A fait trembler l’enfer, sous son commandement.
Il entre, et le voyant, vostre science est vaine,
Dit-elle, et je n’ay point ce haut titre de reyne,
Que vostre art abusif m’a tant de fois promis,
Art aussi peu certain, comme il est peu permis.
Enfin le roy me quitte, et ma haute esperance,
Se trouve sans effet, comme sans aparence :
Et toute mon adresse, et tout vostre sçavoir,
N’ont plus, helas ! N’ont plus, ni force, ni pouvoir.
Mais si ce grand sçavoir n’est point imaginaire ;
Si Rigilde en un mot sçait plus que l’ordinaire ;