Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Puis que mon mauvais sort ne sçauroit se changer,
Qu’il m’ayde, pour le moins, qu’il m’ayde à me vanger :
Qu’il rompe, s’il se peut, cette injuste entreprise,
Ou qu’il fasse perir celuy qui me mesprise.
Oüy, soyons sans douceur, puis qu’il est sans pitié :
Mais Rigilde, c’est trop, c’est trop de la moitié :
Ne suivons qu’à demy cette fatale envie :
Destruisons ses desseins, mais espargnons sa vie :
Et puis qu’esgalement il me nuit et me plaist,
Qu’il vive, tout volage, et tout ingrat qu’il est.
Madame (luy respond ce grand faiseur de charmes)
Tout l’enfer impuissant pour moy n’aura plus d’armes,
Et tout mon art enfin manquera de credit,
Ou le roy n’ira pas au lieu qu’il vous a dit.
Je mettray tant d’obstacle au dessein qu’il rumine ;
Je le traverseray d’une adresse si fine ;
Que Rome n’aura rien à craindre de ses coups,
Pourveu que le destin ne soit pas contre nous.
Ha ! Je vous en conjure, adjouste cette belle ;
Empeschons la revolte, et sauvons le rebelle :
Mais si mon mauvais sort en dispose autrement,
Perdons le, perdons-nous, tel est mon sentiment.
Sans tarder plus long-temps Rigilde se retire :
Et dans la sombre nuict, faisant ce qu’on desire,
Sans pilote, sans vent, sans rame, et sans timon,
Il traverse la mer, porté par un demon.
Du costé d’occident, au froid climast d’Islande,
Est la superbe Hecla, montagne affreuse et grande,