Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/95

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le gazon croissent abondamment,
En cét aymable lieu, si frais et si charmant.
Là le grand Alaric, qui pense à des empires,
Va prendre ce qu’il faut pour bastir des navires :
Et desja la coignée, en mille et mille lieux,
Fait tomber des sapins le sommet glorieux.
De grands coups redoublez, cette forest raisonne,
Qu’à bras haut eslevez, le bucheron y donne :
Les arbres esbranlez, tombent en un instant,
Et font tout retentir, par un bruit esclatant.
Comme dans la Sicile, à ce que dit la fable,
Le Ciclope nerveux, d’un bras infatigable,
Frape sur son enclume, et le jour, et la nuit,
A qui l’Aetna flambant, respond par un grand bruit.
Telle des bucherons, la main laborieuse,
Des arbres les plus durs, estant victorieuse,
Frape et refrape encore en ces lieux recullez,
Et fait gemir ces bois, sous ses coups redoublez.
Là trébuche un sapin ; icy le chesne tombe ;
Icy l’orme s’esbranle ; et là le pin succombe ;
La forest s’esclaircit ; et l’œil de l’univers,
Pour la premiere fois, voit ces lieux descouvers.
Mais pendant qu’Alaric fait avancer l’ouvrage,
Redoublant de ses gents la force et le courage,
Et que sa voix en donne, à ceux qui n’en ont pas,
L’invisible Rigilde, observe tous ses pas.
Il voit avec douleur, la forest esclaircie ;
Il entend l’aigre bruit, de la mordante scie,