Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/96

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Qui separe les troncs, de leurs plus gros rameaux,
Et ces objets pour luy, sont des tourments nouveaux.
Enfin il se resoud d’opposer sa science,
Et l’effort de l’enfer, à cette diligence :
Et pour mettre à l’instant la troupe en desarroy,
Il met la main à l’œuvre, aussi bien que le roy.
Au creux d’un grand rocher, et loin de la lumiere,
Un ours blanc comme neige, à sa sombre tanniere ;
Ou, lors que la clarté le chasse le matin,
Il emporte sa proye, et son sanglant butin.
Il est grand, mais sans forme en ses membres horribles ;
Ses yeux sont fort petits, mais ses regards terribles ;
Le feu semble en sortir, et briller à travers
Le long poil herissé, dont on les voit couvers.
Ses ongles sont tranchans ; et ses dents sont tranchantes ;
Son dos est eslevé ; ses oreilles panchantes ;
Cét animal paroist enorme en sa grandeur,
Et sa force en un mot esgale sa laideur.
Rigilde redoublant sa fierté naturelle,
Fait entrer dans son corps, un demon qu’il apelle :
Et la beste agitée, et pleine de fureur,
Sort, et meine avec soy, la mort et la terreur.
Comme un traict decoché d’une extrême vistesse,
Fendant l’air et sifflant, vole où l’archer l’adresse ;
Mais d’un vol si subit, et si prodigieux,
Qu’à peine il est suivy du mouvement des yeux.
Tel, et plus viste encor, cét animal s’eslance ;
Tout cede ; tout fait jour ; devant sa violence ;