Je veux mourir, Olimbre oppose son conseil,
Qui me force de vivre au milieu de mes peines ;
Nous suivons Genseric aux rives africaines,
Et dessous cet habit qui me rend inconnu, [325]
Pour vaincre ou pour mourir je suis ici venu,
Résolu de sauver ces trois grandes princesses,
Ou de voir en ma fin celle de mes tristesses.
Et pour être à Carthage un peu plus sûrement,
Un des miens en ces lieux a fait adroitement, [330]
Que le bruit de ma mort passe pour véritable,
Et que chacun ici la croit indubitable.
L'impératrice même a l'esprit abusé
Du bruit faux et trompeur d'un trépas supposé ;
J'ai par ce même bruit sa constance éprouvée, [335]
Et personne que vous ne sait mon arrivée :
Voila, mon cher ami, la gloire et le tourment
Du plus infortuné qui fut jamais amant ;
Mais je retourne au port :
Moi, si la longue absence
Auprès de Genseric n'a détruit ma puissance, [340]
J'adoucirai peut-être un si cuisant souci.
J'entends venir quelqu'un, éloignons-nous d'ici.