Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/58

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Et pour votre interêt, autant que pour le mien, [985]

Puisque j'ai commencé, que je ne cele rien.

Certains esprits seigneur, que l'interêt anime,

certains esprits méchants, qui vivent de leur crime,

Connaissant votre humeur, connaissant sa bonté,

Usent insolemment de sa facilité, [990]

Disent tout, osent tout, voyant qu'on leur pardonne ;

Et donnent des conseils dignes de qui les donne.

Mais ces pestes d'état, si l'on souffre leur voix,

Ayant perdu l'honneur, perdent après les rois.

Ces lâches, ces flatteurs, ces âmes mercenaires, [995]

Parmi les trahisons, qui leur sont ordinaires,

N'en ont point de plus grande, et plus à redouter,

Pour l'honneur de celui qui les daigne écouter,

Que celle qui conduit sa raison aveuglée,

Dans les cruels transports d'une amour déréglée : [1000]

Ces infâmes esprits, par ce mauvais conseil,

Impriment une tâche aux rayons d'un soleil,

Que ne saurait cacher leur malice profonde,

Car les vices des rois, sont vus de tout le monde.

Leurs feux les plus cachés, sont toujours découverts ; [1005]

Ha seigneur, ha seigneur, que dira l'univers,

Lui qui vous connaît tant, lui qui vous considère,

Lorsqu'il saura l'erreur qu'on vous oblige à faire ?

Faut-il que Genséric, cet illustre vainqueur,

Qui s'est fait un état, aussi grand que son coeur, [1010]

Et dont l'illustre coeur, est plus grand que la terre,

Ternisse dans la paix, l'honneur acquis en guerre ?