Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/88

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Ciel, faites que je la rencontre !

Faites que le sort me la montre,

Cette cendre adorable, et que j'adore aussi : [1455]

Après, murs ébranlés par l'effort de la flamme,

Tombez pour contenter mon âme,

Et faites qu'auprès de madame,

Votre chute m'accable, et nous rejoigne ici.

Hélas c'est le seul bien que le sort me peut faire : [1460]

Car de tant d'affligés, qui sont dans la miseère,

Et par qui le trépas, est si fort désiré,

Je suis certainement le plus désespéré.

Aussi dans quelque excès qu'ait pu monter leur perte,

Elle n'égale point celle que j'ai soufferte : [1465]

Et par l'arrêt fatal, du destin rigoureux,

J'ai plus souffert moi seul, que tous les malheureux ;

J'ai plus souffert moi seul que tout le monde ensemble,

Et mon désastre est tel, que rien ne lui ressemble.

Car enfin si quelqu'un a vu le dernier jour, [1470]

De l'aimable beauté, qui causait son amour,

En se désespérant, en soupirant pour elle,

Il a vu cette mort commune, et naturelle,

Il a vu ce flambeau s'éteindre lentement,

Brûler sans violence, et finir doucement : [1475]

Mais (ô cruel penser qui bourrelle mon âme) !

Je vais mourir Eudoxe, et mourir dans la flamme :

Mourir dans les ardeurs d'un brasier dévorant,

Et donner à chacun de l'horreur en mourant.